
Richard Gasquet à Roland Garros en 2007. Avantage micros… - M. Robinot/Panoramic
C'est une avalanche, presque une litanie chantée par un chœur de supporters. Egrener les émissions de radio consa crées au sport demande patience et acharnement tant leur nombre est imposant. Du lourd, dirait-on dans les vestiaires. Sur RMC, huit heures sans interruption, de 16 heures à minuit la semaine, et quatorze heures le week-end, de 10 heures à minuit, avec des Luis attaque, desMoscato show, des Intégrale foot, des After foot. Sur Europe 1, deux heures tous les soirs, de 20h30 à 22h30 et une fin de semaine chargée de Club sport, de Grands matchs, de Multiplex. RTL, pour sa part, Refait le match quotidiennement pendant trois heures, de 20 heures à 23 heures, propose un Multiplex et un Grand match ligue 1. France Info diffuse le samedi un Multiplex foot de 19 heures à 23 heures avec des « avant-matchs » et des «après-matchs ». La chaîne du service public programme également un Débat sport chaque lundi, un Journal sport tous les matins à 5h15 et à 6h40, donne des infos sportives toutes les demi-heures... A cette liste déjà fournie, il faut ajouter Le journal du sport de France Inter, les programmes sportifs des quarante et une stations de France Bleu qui mettent en valeur leurs spécialités régionales comme la pelote basque, la tauromachie, la voile, les matchs de cinquième division...
Autant dire que pour les auditeurs insensibles à la sueur des maillots, échapper à la grand-messe des stades ressemble à un slalom géant sur la bande FM. Cette année, ils devront redoubler d'efforts pour trouver une station qui leur livre autre chose que des jeux et du pain. Les JO d'hiver commencent le 12 février au Canada et la prochaine Coupe du monde de football se déroulera du 11 juin au 11 juillet en Afrique du Sud. En 2010, va y avoir du sport.
“Même s'il y circule beaucoup d'argent,
le sport offre une part de rêve qui fait oublier
les tracas quotidiens. J'essaie de vendre ce rêve.”
(Jacques Vendoux, France Inter)
Alors pourquoi tant de zèle ? Pourquoi les chaînes de radio, privées et publiques, ont-elles fait du sport une de leurs valeurs essentielles ? «C'est normal », explique Jacques Vendroux, le directeur des sports de Radio France. «Ce fait de société est indispensable à 50 % des Français. Sur n'importe quelle chaîne du service public, les auditeurs veulent savoir si Marseille a battu Bordeaux. C'est une donnée incompressible, aussi importante que les résultats d'une législative partielle. Même s'il y circule beaucoup d'argent, le sport offre une part de rêve qui fait oublier les tracas quotidiens. J'essaie de vendre ce rêve. » Un dogme que pourraient partager RTL, Europe 1 et RMC, ces stations privées qui ont beaucoup, passionnément, misé sur le sport. « Nous faisons un très gros effort d'antenne. Nous soutenons le sport populaire au sens noble du terme. Le foot mais aussi le rugby, le judo et le cyclisme », assure Jacques Esnous, directeur de l'information de RTL. « Nous avons quasiment triplé le temps d'antenne par rapport à 2007. Nous développons une stra tégie où le sport a toute sa place », explique Thierry Clopeau, directeur des sports des antennes d'Europe 1.
“Ce serait une erreur que RTL ou Europe
nous copient, en faisant forcément moins bien.
Nous avons l'espace, les moyens.
Un luxe qu'ils n'ont pas.” (RMC)
En auraient-ils fait autant si RMC n'existait pas, si la station rachetée par Alain Weill il y a une dizaine d'années n'avait pas tout misé sur le talk et le sport ? «Quand on a repris RMC, les généralistes traitaient le sport tard le soir, le week-end, à la fin du journal. En juin 2001, nous avons pris la décision de couvrir l'intégralité du Tour de France de 14 heures à 19 heures, puis nous avons acheté l'ensemble des droits de la Coupe du monde 2002. Cela a ravivé la concurrence », raconte Franck Lanoux, le patron de la radio du sport. La guerre fit rage, en effet, obligeant chacun à consolider ses positions. RTL adopte une politique de grandes signatures, avec Bixente Lizarazu et Pierre Ménès. « Le commentaire pro mais classique ne suffit plus. Il faut mener des débats hauts en couleur, avec des prises de position et une expertise. C'est ce qu'attendent nos auditeurs de 35 à 50 ans »,précise Jacques Esnous. Même chose du côté d'Europe 1, qui fait appel à Laurent Fignon pour le Tour, à Alain Prost pour la F1, à Fabrice Santoro pour Roland-Garros, à Fabien Galthié pour le rugby. RTL a créé en 2007 une webradio avecL'Equipe, Europe 1 a lancé Europe 1 Sport sur une fréquence francilienne. RMC et RTL ont investi dans le juteux marché des paris en ligne, espérant rafler des millions d'euros.
Bataille de noms, bataille d'images, bataille de partenariats. Chacun utilise ses propres armes. Radio France la joue différemment, tout en modération mais sans fausse modestie. «Nous avons le service de sport le plus grand d'Europe avec cent vingt journalistes qui peuvent tous parler de sport de manière brillantissime. Nous axons surtout sur ce qu'on appelle les sujets "décalés" », poursuit Jacques Vendroux. Ainsi, le portrait d'un arbitre qui, après avoir raté un match, est entré dans les ordres, ou encore l'analyse des courants au sein de la Fédération française de foot face à la succession de Raymond Domenech. La force de Radio France, ce sont ses locales mais aussi sa mesure. « Il faut en faire mais pas trop, éviter la peopolisation, s'intéresser à la pratique du sport, de tous les sports », renchérit François Desnoyers, directeur géné ral délégué aux antennes de Radio France. Il s'appuie sur une étude (1) où seuls 12 % des auditeurs de France Inter se déclarent fans de sport et 33 % se disent même y être indifférents. Plus qu'une tendance, une obligation que Jacques Vendroux résume ainsi : «Nous ne sommes pas une radio passionnelle. Il n'est pas dans notre culture d'organiser des débats où tout le monde s'insulte, s'engueule, tient à détenir la vérité. On est juste des observateurs. L'usage de l'insulte et de la critique violente ne sont pas dans l'ADN de Radio France.
“Nous livrons l'info brute, nous jouons
sur le fait que 65 millions de Français
sont autant de sélectionneurs.” (RTL)
Qui vise-t-il ? Et à qui s'adresse le représentant d'Europe 1, qui soutient que «le scoop est prioritaire» ? Et celui de RTL, qui précise : « Nous livrons l'info brute, nous jouons sur le fait que 65 millions de Français sont autant de sélectionneurs »? Au même, à celui qui se taille la part du lion, à RMC, bien sûr. Si ses concurrents, directs ou indirects, disent se tenir droits dans leurs crampons, tous surveillent du coin de l'oeil cette chaîne qui a semé une jolie pagaille en se dotant d'une puissance de frappe qui lui réussit bien. Lors de la dernière mesure d'audience, elle a encore progressé, pour atteindre 6,8 points. Un record qui fait dire à Franck Lanoux, le patron de la station : « Face à nous, nos concurrents ne peuvent réagir. Ce serait une erreur que RTL ou Europe nous copient, en faisant forcément moins bien. Nous avons l'espace, les moyens. Un luxe qu'ils n'ont pas. » En clair : laissez-nous jouer seuls. « Le sport est devenu une affaire de spécialistes, c'est plus compliqué pour les généralistes aujourd'hui », poursuit dans la même veine François Pesenti, directeur du sport de la station d'Alain Weill. «Nous diffusons soixante-dix heures de sport par semaine. Nous avons prou vé que c'est un programme crédible, c'est-à-dire générateur d'au dience. » Et d'argent, forcément.
Car tel est le prochain et véritable enjeu des radios : le coût des retransmissions de matchs, qui les obligera à se repositionner. Et craindre, comme le chef du service des sports de RTL : « Tôt ou tard, les radios devront acheter tel ou tel événement. Je pense qu'une radio existera dans l'offre spor tive en achetant le football, une autre radio achètera la formule 1, une autre le rugby. Aucune radio n'aura les moyens économiques de tout acheter. » Face à l'envol des droits de retransmission, très en deçà de ceux réclamés aux télévisions - 160 000 euros, contre 120 millions pour TF1 (pour la Coupe du monde de foot) -, tous se disent prêts à se battre, au moins pour défendre une vérité d'évidence : le sport, c'est de l'information.
(Lire l'article original de Véronique Brocard via Télérama.fr )
Les commentaires récents